En 2015, au Pérou, j’ai vécu une expérience chamanique avec une plante sacrée d’Amazonie, l’Ayahuasca.
J’ai longtemps hésité avant d’en parler publiquement parce que j’ai conscience que le raccourci est facilement fait avec le fait de prendre de la drogue et il y a aujourd’hui un vrai business de l’Ayahuasca au Pérou, qui dénature l’esprit de cette expérience.
Cet article n’a pas comme fonction d’amener les gens à faire l’expérience de la plante. Je l’écris pour apporter mon retour d’expérience afin qu’il éclaire d’autres personnes dans leurs réflexions.

Tout d’abord, qu’est-ce que l’Ayahuasca ?

L’Ayahuasca est un breuvage à base de lianes consommé traditionnellement par les chamanes des tribus indiennes d’Amazonie depuis plusieurs milliers d’années, qui l’utilisaient pour entrer en connexion avec les esprits de la nature et le cosmos à des fins de guérison. Le terme Ayahuasca vient de « aya » et « huaska », ce qui signifie liane des morts ou liane des âmes.

Le contexte qui m’a amené vers la plante

J’ai grandi dans un environnement catholique, et quand j’étais enfant, je me posais plein de questions existentielles comme « Qui suis-je ? », « Où étais-je avant de naître et où serais-je après ma mort ? », « Quel est le sens de la vie ? ».
Puis avec le temps, je me suis éloignée de tout ça. J’ai empruntée l’autoroute qui menait vers une prépa, puis une école de commerce puis un parcours tout tracé dans le secteur bancaire et j’ai arrêté de me questionner. J’avais envie de me conformer, d’être quelqu’un de « normal », d’entrer dans le moule.

En 2013, un moment très stressant au travail a replacé ces questionnements au goût du jour. Je me réveille un matin avec cette grande question : « Mais qu’est ce que je fais là ? ». En me posant cette question, j’ai l’impression d’ouvrir une boîte de Pandore. Je vais voir un coach qui ouvre de nouvelles questions en moi, j’observe de plus en plus de joyeuses coïncidences dans ma vie, que j’appelle synchronicités. Je décide de partir voyager pendant une longue période et juste avant de partir, je tombe sur un livre, qui deviendra ma Bible : « Conversations avec Dieu » de Neale Donald Walsh. Le message de ce livre est que nous sommes tous des parties de Dieu. En fait, Dieu, c’est une énergie d’Amour qui a envie de faire l’expérience de ce qu’elle est. D’énergie, elle passe à Matière en explosant (comme le big bang) en une multitude de particules. Ces particules, c’est nous. Chaque organisme vivant est une part de Dieu. S’il y avait quelque chose qui me dérangeait dans le fait de me dire que Dieu était à l’extérieur de moi, l’idée que je suis une partie de Dieu résonne, ça fait tilt.

Je sens l’envie de prendre contact avec cette part en moi, de sentir Dieu en moi. Cette idée commence à occuper de plus en plus de place dans mon esprit. C’est dans ce contexte que j’entends parler du chamanisme et de l’Ayahuasca. Très intriguée, je fais quelques recherches et je sens l’envie de faire l’expérience de cette plante, pour explorer d’autres espaces en moi. Pour comprendre dans mon corps, avec mes sens, qui je suis, comment fonctionne cet Univers. Avant de prendre mon avion pour le Pérou, je lis deux articles de blog de personnes qui ont fait l’expérience de la plante et je leur demande des renseignements. Mais je finis par faire le choix de ne rien réserver à l’avance. J’émets le désir de faire cette expérience, mais sans rien prévoir. Elle viendra à moi si c’est juste…

La première personne que je rencontre, une fois arrivée au Pérou, est une américaine qui me demande, au bout de 5 minutes de conversation si je connais l’Ayahuasca. J’en ai des frissons. Elle me dit qu‘elle est venue ici pour prendre cette plante, et me propose de participer à une cérémonie une semaine plus tard dans la montagne à Pisaq pas loin de Cuzco. Je vois ça comme une réponse à ma demande, et j’accepte. J’ai tout juste le temps de me préparer physiquement à recevoir la plante (il y a une diète d’une semaine à faire, sans café, ni alcool, ni viande, ni sucre).

La cérémonie d’Ayahuasca

Le soir de la cérémonie arrive. On prend un bus qui nous amène dans un temple dans la vallée de Pisaq. Chacun a son matelas attribué avec un seau pour les vomissements. Il n’est pas rare de vomir pendant l’expérience ; le vomissement représentant symboliquement le fait de laisser ce qui ne nous sert plus et se purifier. Avec les autres participants, on se regarde avec une grande bienveillance. Il y a une complicité qui s’installe immédiatement. Je commence à prendre conscience de ce qui m’attend. J ‘avais entendu que certaines personnes n’étaient jamais revenues de leur expérience, elles étaient restées « perchés là-haut », avaient été diagnostiquées psychotiques et occupaient les hôpitaux psychiatriques. Ça me fait un peu peur et je regarde les gens autour de moi avec de l’admiration : ces gens sont prêts à risquer leur vie pour leur quête spirituelle. Suis-je vraiment prête à ça?

Le chaman nous explique qu’une fois qu’on aura ingurgité la plante, nous ne pourrons rien faire pour revenir en arrière, nous aurons confié notre corps et notre esprit à la plante. Ça ne servira donc à rien d’essayer de résister car la plante gagnera. Mais la bonne nouvelle, c’est que la plante agit un certain temps, environ 8 heures, le temps de la nuit : l’expérience se terminera quoi qu’il arrive, mais elle sera transformatrice. Cela ne me rassure qu’à moitié.

La nuit est tombée, les musiciens de la cérémonie commencent à jouer de la musique et à chanter. Il fait sombre, seule la lueur des bougies éclaire le temple. Un par un, nous passons devant le chaman, pour boire la décoction, en remerciant l’Esprit de la plante et avec une intention. Quand mon tour arrive, je demande à la plante qu’elle me montre ce que j’ai besoin de voir mais qu’elle soit douce avec moi.

Puis je retourne à ma place et j’attends patiemment que la plante agisse. Il fait très sombre, nous attendons dans le silence. Au bout de quelques minutes, qui me paraîtront une éternité, je commence à sentir une énergie en moi, qui n’est pas moi. Cette énergie coule dans mon sang, elle prend possession de chaque cellule de mon corps, elle me dépouille de moi-même… Je commence à avoir peur, je regrette d’être ici. Je me dis que tout compte fait, j’ai changé d’avis, je ne veux plus vivre ça… Et là, je commence à avoir des visions : des « VRAIES » visions, comme des serpents par exemple. Je ferme les yeux, puis je les rouvre : je vois la même chose !!! Les bruits sont de plus en plus forts et présents, j’entends des gens vomir et c’est comme si c’était moi qui vomissais. Je me demande même si c’est moi ou quelqu’un d’autre. Puis je me retrouve dans la forêt, avec des lutins, je sens des présences d’êtres qui ne me semblent « pas humains », c’est très étrange… Là, je commence aussi à vomir, et une nouvelle vision apparaît : des hommes et des femmes sont assis en cercle (comme nous dans ce temple) et ils se gavent de hamburgers, ils « bouffent » puis vomissent, puis recommencent. C’est un cycle qui ne s’arrête jamais, un cycle de naissances et de morts, sans fin, ni sens. À ce moment-là, je sens que l’être humain me dégoûte et que je fais moi-même partie de cette humanité qui mange et vomit, à l’infini. Je me dégoûte et j’ai peur. L’expérience devient insoutenable, je ne sais plus qui je suis, j’ai l’impression d’être en train de mourir. Je n’arrive plus à me raccrocher à quoi que ce soit de matériel dans mon corps, je ne sens plus mes bras, mes jambes. Je me demande si je suis morte. Dans un moment d’immense désespoir, j’appelle à l’aide (pas en utilisant ma voix, mais j’envoie une sorte de signal mentalement). Et là, quelques secondes plus tard, une voix très douce me murmure à l’oreille : « Just focus on the light » (ce qui veut dire : concentre-toi juste sur la lumière). La voix est tellement douce, belle, rassurante que ça me donne la sensation qu’elle est prononcée par une personne d’une autre dimension, un ange gardien peut-être.

Et là, je me dis : Ok, j’ai peur, mais je vais me concentrer sur la lumière. Je crée alors des images de lumière dans mon esprit, et je les vois immédiatement se manifester. Je suis avec la fille que j’ai rencontrée (qui est à côté de moi dans le temple), et on admire le soleil, on se sourit mutuellement. Puis je me retrouve enfant à courir dans la forêt, dans une grande insouciance. Là, je commence à sentir de plus en plus de joie. Je ressens l’humanité toute entière, si belle et précieuse, comme si on ne formait qu’Un, que nous n’étions pas séparés. Et là, cet amour et cette joie sont tellement puissants que je me mets à pleurer de joie : je suis dans un état de remerciement. C’est comme un orgasme du cœur, qui ne s’arrête pas. Désormais, j’ai l’impression d’être l’humanité entière, d’être reliée à ce fil d’amour qui nous relie tous. À cet instant précis, je suis l’Amour, je suis la Vie, et je rigole de joie à l’idée d’en avoir douté. Cet état de béatitude dure plusieurs heures puis je finis par m’endormir avec un immense sourire. 

Le retour

Je me réveille et je sens que peu à peu, je « redescends », je réintègre mon corps.

Les heures et les jours qui suivent, je ne suis pas encore complètement là, pas complètement ancrée, je suis toujours ailleurs. J’ai l’impression d’être à côté de mon corps et ça m’inquiète un peu.
Il me faudra plusieurs semaines pour récupérer physiquement de cette expérience, plusieurs mois pour récupérer psychologiquement et plusieurs années pour digérer toutes les informations qui auront été téléchargées en moi ce soir-là. Deux ans plus tard, je quitte mon travail bien payé dans le secteur bancaire pour marcher sur le chemin de Compostelle, réaliser un documentaire et écrire 1er un livre sur cette expérience. Je ne peux pas m’empêcher de penser que cette expérience forte avec la plante a joué un rôle dans mon changement radical de vie qui a suivi.

Quand je reviens à Paris deux semaines après l’expérience, j’essaie de parler de ce que j’ai vécu, mais je me sens incomprise. Selon certaines personnes de mon entourage, l’Ayahuasca est une drogue et que ce que j’ai pu vivre n’était pas réel, certains me confient s’inquiéter pour moi. Ma propre définition d’une drogue induit une notion de dépendance, que je ne retrouve pas dans l’Ayahuasca : je n’ai aucune envie de recommencer, en tout cas pas tout de suite. Aussi, je leur demande ce qu’est le réel pour eux ? Est-ce que rêver est réel ? Certains rêves paraissent plus réels que l’état de conscience ordinaire. Cette réflexion m’amène à me demander comment on pourrait définir ce qu’est réel et ce qui ne l’est pas. Je pense que tout est réel et que l’état que j’ai expérimenté lors de la cérémonie d’Ayahuasca était un état de conscience modifié, élargi qui m’a donné à voir la réalité sous un autre angle. La plante m’a ouverte, elle a élargi ma perception du réel.

Pour moi, le réel n’est pas forcément lié au matériel. Et si le réel était la conscience de Qui nous sommes ? C’est-à-dire des êtres reliés par une vibration d’amour (c’est une hypothèse bien sûr). Quand je m’éloigne de cette conscience, quand je crois que nous sommes tous séparés les uns des autres, alors je développe des pensées de peur, je suis dans l’illusion de la séparation et je m’éloigne du réel. Ce qui est réel, je le sens dans mon cœur. Peu importe que j’y accède dans un état de profonde méditation, dans un état de rêve, en observant un coucher de soleil ou pendant une cérémonie dans laquelle j’aurais pris de l’Ayahuasca.

J’aurai par la suite d’autres expériences avec l’ayahuasca, en Équateur cette fois, en 2023 (et pas forcément plus douces d’ailleurs), j’en parle dans mon 2ᵉ livre Enseignements de la montagne. Dans cet article de blog, je vous livre les 5 enseignements les plus importants des 4 cérémonies que j’ai faites jusqu’à aujourd’hui.

J’ai rencontré beaucoup de personnes qui prenaient la plante pour mieux se connaître et mieux comprendre le monde qui les entoure, et pour guérir de traumatismes. La plante nous montre les zones les plus sombres en nous, elle nous pousse à plonger dedans pour les ressentir, et les transcender.
J’ai peu de mots pour dire exactement ce que cette expérience m’a apportée. Je dirais que mon regard sur la réalité a été transformé, j’ai lâché prise sur mon désir de tout comprendre (qui je suis, l’univers, etc.). D’ailleurs, je crois que le désir de comprendre est un désir qui provient de notre mental, qui lui, ne pourra pas comprendre. Les choses se vivent, se ressentent, et elles sont tellement vastes qu’elles dépassent nos sens.

J’ai eu envie et besoin de faire cette expérience, mais cette expérience n’est évidemment pas indispensable quand on est dans une quête spirituelle. La Vie nous donne chaque jour des occasions de mieux se comprendre et comprendre le monde dans lequel on vit à travers des rencontres, des moments d’émerveillements ou encore de grande souffrance qui nous poussent dans nos profondeurs.

Je me rends compte que le paradoxe de cette expérience est le suivant :

– D’un côté, j’ai senti qu’il n’y avait rien à craindre, que la mort est illusion et que la pire chose qui peut m’arriver est d’avoir peur. La peur est créatrice de plus de peur, tout comme l’amour crée plus d’amour. Si je reste connectée à l’énergie d’amour, je suis protégée.

– De l’autre côté, je ne peux pas m’empêcher de craindre sur commande. La peur se manifeste comme une rivière, elle pénètre dans chaque cellule de mon corps et quand elle est là, le chemin pour y mettre de la lumière nécessite une grande confiance.

Je pense que la question à se poser quand on se lance dans ce genre d’expérience est : suis-je prête ? Est-ce que mon niveau de confiance en la Vie est suffisant pour me lancer dans l’aventure de l’exploration de chaque espace de mon être ?
Derrière chaque aventure, il y a une prise de risque, le risque de ne pas en revenir indemne.
Suis-je prête à abandonner qui je suis aujourd’hui pour laisser émerger ce que je serais sans savoir quoi ? Suis-je prête à me donner à la plante, à me donner à la Vie ?

Êtes-vous prêts ?

Photo du DVD Chemins de vie, marcher vers son essentiel

Le livre Enseignements de la montagne devrait vous plaire

Après avoir vécu des événements difficiles en 2022, je vends mes meubles, quitte mon appartement parisien et m’installe dans une cabane au cœur des Andes équatoriennes, à 2 000 mètres d’altitude. L’objectif de ce périple ? Me connecter à la nature et tester les méthodes de guérison alternatives pour me retrouver : méditation et cérémonies avec des plantes sacrées (ayahuasca, San Pedro).

C’est alors qu’une quête spirituelle profonde et transformatrice s’impose à moi.

 

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